La situation socio-économique de l’imprimerie à Yssingeaux soulève des questions cruciales sur l’engagement des salariés et les transformations des entreprises aujourd’hui. L’essor d’un nouveau modèle de gouvernance, la société coopérative (SCOP), a permis à un groupe de salariés d’accéder à la direction de leur destinée professionnelle, mais cette aventure s’est récemment heurtée à des défis majeurs. Ce fiasco met en lumière les enjeux de la propriété collective face aux réalités du marché et des décisions managériales, entraînant des licenciements lourds de conséquences pour ceux qui avaient investi leurs économies et leur égalité dans l’entreprise.
Les origines de la SCOP à Yssingeaux
En 2016, le paysage de l’imprimerie à Yssingeaux est marqué par la nécessité de renouveau. Après l’annonce d’une liquidation judiciaire, un groupe de 16 salariés a fait le choix audacieux de reprendre l’imprimerie sous le statut de SCOP. Ce mouvement, qui mêle espoir et risque, a nécessité un investissement massif de la part des salariés. Chacun d’entre eux a injecté entre 10 000 et 30 000 euros provenant de leurs primes de licenciement dans ce projet collectif. Ce modèle coopératif visait à offrir une alternative viable à la gestion traditionnelle des entreprises, plaçant les enjeux de solidarité et de gestion participative au cœur du fonctionnement.
La transition n’a pas été simple. Les fondateurs faisaient face à des défis notables tels que la mise en place d’une gouvernance efficace, la réaffectation des ressources et la préservation de la culture d’entreprise. Le modèle SCOP a permis aux salariés de prendre des décisions qui impactaient directement leur travail et leur entreprise. Les anciens salariés sont devenus des associés, se lançant ensemble dans ce projet où il fallait conjuguer performance économique et éthique sociale.
Le parcours post-reprise et la montée des défis
Les premières années après la reprise ont été marquées par une dynamique positive. En 2017, l’imprimerie connait une croissance stable et affiche des résultats encourageants, permettant à l’équipe de continuer d’investir dans l’amélioration des équipements et de l’outil de production. L’esprit coopératif a favorisé une entraide inestimable, créant des liens forts chez les travailleurs qui se sont approprié leur entreprise.
Cependant, à partir de 2022, des changements profonds dans la gestion ont commencé à miner cette harmonie. Un nouveau bureau a été mis en place, où des membres extérieurs ont pris des décisions clés, évincant progressivement les voix des anciens salariés qui, pourtant, avaient l’expérience et la connaissance du terrain. Les modifications apportées sans consensus ont créé un malaise croissant, et malgré les réticences initiales, ces changements se sont rapidement imposés, signalant le début d’un désengagement des associés de l’imprimerie.
- Changements structurels dans le bureau de la SCOP.
- Décision unilatérale sur les orientations de l’entreprise.
- Diminution de la transparence décisionnelle.
Année | Chiffre d’affaires (en millions) | Effectif |
---|---|---|
2016 | 5 | 16 |
2018 | 8 | 18 |
2022 | 10 | 20 |
Les conséquences de cette gouvernance fragilisée se sont fait sentir, particulièrement lorsque l’imprimerie a entamé un processus de croissance externe, rachetant d’autres imprimeries dans la région. Ce tournant, marque d’une ambition calculée, visait à solidifier la position de l’entreprise sur le marché. Mais paradoxalement, cela a également mené à des grandes restructurations et finalement à la fermeture du site d’Yssingeaux. En 2024, la décision de concentrer les activités dans la Loire a conduit au licenciement de huit salariés restés attachés à leur ancien site.

Les licenciements et leurs conséquences
Le début de l’année 2025 a été marqué par des évènements tragiques pour ces anciens associés. Au moment même où l’imprimerie, désormais Auraprint-x, annonçait son déménagement et sa restructuration, huit salariés ont été licenciés, ne pouvant ou ne voulant pas suivre cette nouvelle direction. Ces licenciements n’ont pas seulement touché des individus, mais ont symbolisé la fin d’une époque et la disruption d’une communauté qui avait réussi à se constituer autour de valeurs de partage et d’entraide.
L’impact de cette rupture est particulièrement flagrant dans les témoignages des licenciés. Certains, après avoir investi une partie substantielle de leur épargne dans cette aventure collective, se sont retrouvés sans emploi, une situation d’autant plus précaire qu’elle survient dans un secteur en pleine mutation. Cette expérience a soulevé des préoccupations autour des engagements pris par les dirigeants à l’égard de leurs employés. Les licenciements ont été qualifiés d’économiques, bien que des doutes subsistent sur la pertinence de ces décisions.
Statut d’associé et difficultés rencontrées
Une des répercussions les plus douloureuses a été la perte du statut d’associé, entraînant avec elle des conséquences financières majeures pour plusieurs des licenciés. Parmi eux, six demeurent toujours sans emploi, témoignant de la dureté du marché actuel. Le cas d’un ancien salarié ayant trouvé un emploi dans une scierie reste une exception dans un contexte où le désespoir et l’inquiétude prévalent pour ceux qui espéraient une réelle collaboration au sein de leur entreprise.
- Perte du statut d’associé pour les licenciés.
- Difficultés d’insertion professionnelle dans le secteur de l’imprimerie.
- Quatre des anciens employés toujours à la recherche d’un nouvel emploi.
Jean-Marc Marzona, le PDG d’Auraprint-x, a affirmé que la perte du statut d’associé est directement liée à l’absence de ces salariés au sein de l’entreprise, conformément aux statuts de la SCOP. Il a, cependant, aussi mis en avant le contexte de redressement judiciaire, une situation que traverse l’entreprise à cause d’une conjoncture économique frappant l’ensemble du secteur. Les challenges auxquels ils sont soumis ne font qu’amplifier les interrogations sur l’avenir de l’imprimerie.
Les leçons à tirer de cette expérience
L’histoire de l’imprimerie à Yssingeaux constitue une vitrine précieuse des défis auxquels font face les SCOP aujourd’hui. Loin d’être une panacée, le modèle coopératif exige un cadre de gouvernance rigoureux et une transparence dans le partage de la prise de décisions. Ces éléments sont cruciaux pour maintenir le lien entre les associés et garantir la pérennité de l’entreprise. Au sein de cette dynamique, il est essentiel de comprendre comment une gestion inappropriée peut compromettre les intérêts de l’ensemble des salariés impliqués.
Les témoignages des anciens travailleurs et leurs expériences doivent nourrir les réflexions sur l’évolution des gouvernances dans ce nouveau paysage économique. Le choix d’une organisation collective comme la SCOP repose sur des valeurs de solidarité, d’engagement et de responsabilité, mais lorsque ces valeurs sont compromises, les conséquences peuvent être dévastatrices. L’accent doit donc être mis sur la formation continue et la sensibilisation des associés à leur rôle dans la structure coopérative.
Perspectives d’avenir pour les entreprises coopératives
Les réflexions sur l’avenir des SCOP doivent s’articuler autour de plusieurs axes stratégiques :
- Développer des mécanismes de participation pour garantir la voix des associés dans les décisions.
- Renforcer la formation des membres pour qu’ils comprennent mieux les enjeux économiques.
- Promouvoir une culture d’entreprise solide qui préserve l’esprit collectif au sein des coopératives.
Critère | État actuel | Améliorations à envisager |
---|---|---|
Gouvernance | Centralisation des décisions | Renforcer la décentralisation et le partage d’information |
Emploi | Licenciements massifs | Créer des mécanismes de protection des salariés |
Engagement | Affaiblissement des liens entre salariés | Mettre en place des initiatives de renforcement de la cohésion |

Conclusion sur l’évolution des SCOP et l’avenir des salariés
La situation récente de l’imprimerie d’Yssingeaux rappelle que les défis liés à la gestion et à la gouvernance vont bien au-delà des aspects financiers. L’implication des anciens salariés dans le processus décisionnel est indispensable pour le succès continu d’une SCOP. L’exemple d’Auraprint-x montre que si les travailleurs aspirent à un modèle plus équitable, ce dernier doit être solidement encadré pour éviter les dérives. Pour garantir un avenir prometteur aux SCOP, il apparaît essentiel de conserver les valeurs de participation et d’engagement qui doivent être continuellement nourries et réaffirmées. Les choix opérationnels effectués par les dirigeants doivent être attentifs aux aspirations et au bien-être des salariés, et les voix des associés doivent résonner fort, afin d’assurer à chacun une part de réussite dans l’entreprise commune.
Source: www.lacommere43.fr