La semaine de quatre jours sans baisse de salaire est souvent envisagée comme une solution idéale pour améliorer le bien-être des salariés et la productivité des entreprises. Ce système de travail, séduisant pour de nombreux employés, soulève pourtant des controverses croissantes. L’expérience vécue par Julien Le Corre, un entrepreneur ayant adopté ce modèle, met en lumière les conséquences inattendues qu’un tel choix peut entraîner.
En 2020, face à une crise sanitaire inédite, il décide d’instaurer une semaine de quatre jours dans son entreprise de communication, pensant offrir flexibilité et épanouissement à ses salariés. Cependant, cette initiative qui semblait prometteuse s’est transformée en une chute brutale, conduisant finalement à la liquidation de son entreprise en 2023. Ce parcours illustre les complexités et les défis inhérents à l’adoption d’un modèle de travail parallèle.
Ce récit soulève des questions profondément ancrées dans les pratiques managériales contemporaines. Est-ce que le modèle de la semaine de quatre jours peut réellement répondre aux attentes des entreprises tout en préservant leur viabilité ? Explorons cette expérience en détail.
D’une ambition à une réalité : le rêve de la semaine de quatre jours

Au départ, l’idée de réduire le temps de travail à quatre jours par semaine sans diminuer le salaire semblait être une panacée. Pour Julien Le Corre, cela représentait une opportunité d’améliorer la qualité de vie au travail. D’après un sondage qui a été réalisé, 77 % des actifs étaient prêts à se lancer dans ce mode de fonctionnement, un chiffre encore plus élevé parmi les jeunes professionnels. Cette tendance a même suscité l’intérêt de plusieurs décideurs politiques, notamment Gabriel Attal, ancien Premier ministre, qui a vu dans cette réforme une chance d’introduire plus de souplesse dans le monde du travail.
Suite à l’introduction de cette nouvelle organisation, l’enthousiasme des employés était palpable. Près de 80 % d’entre eux se montraient satisfaits dès le premier mois après la mise en œuvre. Pour Le Corre, cette période de transition, marquée par une forte adhésion, semblait augurer un avenir prometteur. Une chose est certaine, l’idée de réduire la durée de travail, tout en maintenant le salaire, résonnait avec les aspirations de nombreux salariés.
Malgré cette approbation initiale, un écueil majeur survenait à l’horizon. La mise en place de la semaine de quatre jours s’est faite sans une réflexion approfondie sur ses impacts structurels. Les choix stratégiques pris à la hâte ont vite révélé leurs limites.
Une mise en œuvre sans concertation
Le premier revers significatif est survenu lorsque Le Corre a décidé de désigner le vendredi comme jour de congé commun pour tous ses employés. Ce choix, bien que logique en apparence, a eu des conséquences désastreuses pour l’entreprise. La fermeture hebdomadaire a eu pour effet de réduire la disponibilité de l’équipe, compromettant la qualité des relations avec leurs clients. Les appels d’offres de projets, déjà initiés en phase de télétravail, montreraient nettement des délais de réponse allongés et des occasions manquées sur le marché. L’efficacité du service a donc été mise en péril par cette mesures prise sans anticipations adéquates.
Les clients, habitués à des échanges dignes d’une entreprise dynamique, ont commencé à ressentir cette baisse de réactivité. Le sentiment général d’irritation a conduit plusieurs d’entre eux à reconsidérer leurs liens avec l’entreprise, une situation qui aurait dû être évitée par une meilleure planification stratégique. L’idée de libérer les salariés a alors rapidement évolué en un problème majeur qui a fragilisé l’entreprise.
Il est essentiel de réfléchir à de telles décisions avant leur mise en œuvre. Ce cas illustre vertigineusement les erreurs possibles ; une harmonie inter-entreprises peut rapidement se transformer en flottement et en pertes irrécupérables.
La productivité en berne : un choc face à la concurrence

L’un des aspects les plus préoccupants de l’expérimentation de la semaine de quatre jours a été la baisse significative de la productivité. Le Corre admet que le fait de réduire les jours travaillés a entraîné une distorsion dans la dynamique de l’équipe. Tandis que certains employés, avec un engagement remarquable, se retrouvaient à travailler plus dur pour compenser l’absence de leurs collègues, d’autres, par contre, ne faisaient plus l’effort nécessaire. Cette disparité dans l’effort individuel a rapidement érodé la cohésion interne.
Ce manque de coordination a engendré des frustrations mutuelles. Les conflits internes sont devenus fréquents, alors que le personnel se fracturait entre ceux qui adhéraient à l’utilisation de deux poids deux mesures. Dans ce contexte, la mauvaise ambiance de travail a mis encore plus à mal la performance globale. Les employés frustraient leurs collègues par leur nonchalance, ce qui déplaisait encore plus à la direction.
D’un autre côté, même si l’organisation bénéfiques d’un point de vue théorique, elle ne s’est pas montrée efficace dans la pratique. En voyant des concurrents opérer normalement sur une base de cinq jours, son entreprise a pris un retard considérable. Le retour à un rythme de travail traditionnel chez d’autres sociétés a entraîné une perte de compétitivité. Pour Le Corre, la semaine de quatre jours s’est ainsi révélée être un facteur aggravant, ajoutant à la pression sur l’entreprise déjà fragilisée par la crise sanitaire.
La fuite des clients et la spirale de difficultés
Avec la perte de productivité, les premiers signes de désengagement des clients se sont intensifiés. En 2022, plusieurs partenaires commerciaux ont commencé à tourner le dos à l’entreprise. L’insatisfaction grandissante face aux délais prolongés de livraison et à la baisse de qualité de service ont frappé durement. Certaines entreprises concurrentes qui étaient autrefois sur le même plateau ont commencé à capter des projets qu’elles n’auraient pas considérés auparavant.
Malgré plusieurs tentatives de Le Corre pour reprendre la main sur la situation, l’entreprise était déjà en déséquilibre. Après avoir laissé les opérations gesticuler pendant trop longtemps, les nœuds se sont enchevêtrés, et chaque action de redressement a semblé tardive. Les efforts pour informer les clients des modifications apportées à l’organisation ont été reçus avec scepticisme.
En fin de compte, la combinaison de la baisse de productivité et du désengagement client a créé un cercle vicieux qu’il était presque impossible de renverser. La structure de l’entreprise s’est effondrée, et en octobre 2023, l’entreprise a déclaré sa liquidation. Cet échec a marqué la fin d’un chapitre de sept ans de travail acharné pour Le Corre et ses équipes.
Les leçons tirées : un appel à la prudence

Le récit de Julien Le Corre met en lumière la nécessité d’une réflexion approfondie avant de mettre en œuvre des changements structurels. Alors que la semaine de quatre jours demeure une option séduisante, il est impératif de veiller à ce qu’une entreprise soit prête à gérer ce changement de manière stratégique. Chaque entreprise est unique, et les modèles de travail doivent être sélectionnés et adaptés en fonction d’une analyse sérieuse de leurs besoins spécifiques.
Dans son livre, Jour Off publié avec Valeur ajoutée Éditions, Le Corre énumère dix erreurs cruciales qu’il a commises, offrant ainsi une perspective précieuse pour d’autres entreprises qui envisagent une telle transition. Il insiste sur la nécessité d’établir des réseaux de communication clairs et efficaces, ainsi que de ne jamais perdre de vue les exigences du marché et de la concurrence.
Chaque transformation doit être précédée d’une période de test, concédant ainsi une flexibilité nécessaire pour s’adapter à une situation en évolution. Ce cas démontre que des changements aussi radicalement positifs que ceux de la semaine de quatre jours peuvent conduire à des revers inattendus et dévastateurs.
Un modèle à considérer avec précaution
La semaine de quatre jours est un modèle qui, bien mis en œuvre, pourrait potentiellement offrir des avantages significatifs. Néanmoins, le cas de l’entreprise de Julien Le Corre rappelle qu’un tel choix doit toujours être précédé d’une Analyse objective. Les entreprises doivent choisir d’adopter des modèles qui répondent à leurs besoins opérationnels, tout en préservant un équilibre sain entre rendement et qualité de vie au travail.
Le marché évolue de manière rapide, et les attentes des employés aussi. Le dialogue permanent entre employeurs et employés est essentiel pour garantir que tout changement soit bénéfique pour l’ensemble de l’organisation. Pour conclure, la légende de la semaine de quatre jours doit tenir compte des échecs passés pour mieux naviguer vers un futur prometteur.